19 avril 2024

Saisie des biens de la RDC aux USA: Me. Landry Pongo va-t-en-guerre contre le Tribunal Fédéral de New-York

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Rédaction :+243817406088

Par cet article, Maître Landry PONGO WONYA, Auteur de plusieurs ouvrages en droit OHADA et expert congolais de contentieux d’exécution, répond brièvement aux préoccupations soulevées par les internautes : Praticiens de droit, Juristes d’entreprises, Justiciables, Chercheurs, Etudiants et citoyens lambdas, sur cette délicate question de la saisie des avoirs de l’Etat congolais aux Etats. Ces réponses se rapportent à son ouvrage intitulé : «Les immunités d’exécution des biens de l’Etat et de ses organismes».

1. Nous venions d’apprendre avec étonnement que le tribunal fédéral de la Région de New-York a ordonné la saisie des biens appartenant à la RD Congo se trouvant aux USA, cela est-il juridiquement admissible?

Je vous remercie de cette question qui est d’actualité brulante.

Il est vrai que le Tribunal fédéral de New York, de suite d’un litige opposant une société américaine à la Société Nationale d’Electricité, SNEL S.A, qui est l’émanation de l’Etat congolais (RDC) qui en est actionnaire unique, a ordonné la saisie des biens de l’Etat congolais, se trouvant au sein de sa représentation diplomatique aux Etats Unies. Cette saisie soulève en effet trois problématiques en droit :

  • La problématique de la saisissabilité ou non des biens d’un Etat étranger ;
  • Celle des limites des immunités d’exécution sur les biens de l’Etat ou sur ses organismes ;
  • Celle de la légalité de la saisie opérée sur les avoirs de la RDC alors que le litige concerne la Société SNEL SA qui a une personnalité juridique distincte.

Primo, sur la problématique de la saisissabilité des biens d’un Etat étranger, il importe de savoir qu’en droit international, le rapport entre les Etats sont régis par des conventions internationales qui consacrent le principe de l’égalité souveraine des Etats et la sauvegarde des biens indispensables à l’exercice des activités de puissance publique ou régalienne des Etats et à la sauvegarde de l’indépendance des Organisations internationales.

De ce postulat découle le principe d’attribution des immunités d’exécution sur tous les biens d’un Etat étranger qui rentrent dans l’exercice de sa souveraineté. Ainsi, les biens des diplomates c’est-à-dire les ambassadeurs, conseillers et attachés d’ambassade, qui sont dans l’exercice de leurs fonctions régaliennes, sont-ils couverts d’immunités totales.

Cela découle de la Convention de Vienne du 18 avril 1961, entrée en vigueur le 24 avril 1964. L’alinéa 3 de l’article 22-1 de ce texte prescrit que « les locaux de la mission, leur ameublement et les objets qui s’y trouvent, ainsi que les moyens de transport de la mission, ne peuvent faire l’objet d’aucune perquisition, saisie ou mesure d’exécution ».

L’article 31 étend l’immunité aux diplomates eux-mêmes dans la mesure où il est prévu qu’« aucune mesure d’exécution ne peut être prise à l’égard de l’agent », et que sa demeure privée, ses documents, sa correspondance et ses biens jouissent de la même protection que ceux de la mission.

Pour ne s’en tenir que sur les prescrits de cette Convention de Vienne de 1961, à laquelle la RD Congo et les Etats unis sont tous signataires, ce tribunal de New York n’aurait pas dû procéder à la saisie des avoirs des Diplomates congolais.

Secondo, cette question soulève aussi celle de la limite des immunités d’exécution aux stricts engagements qui sont pris dans le cadre des activités régaliennes de l’Etat ou de l’exercice de sa souveraineté.
En effet, il demeure utile de préciser que ce principe d’immunités d’exécution sur les biens de l’Etat connait plusieurs limitations découlant tant de la jurisprudence des Etats que de la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur les immunités juridictionnelles des biens de l’Etat et de ses organismes, non encore entrée en vigueur dont certains Etats à l’instar de la France, utilise en guise de coutume internationale.

Cette Convention déclare en son article 19 ce qui suit : « Aucune mesure de contrainte postérieure au jugement, telle que saisie, saisie- arrêt ou saisie- exécution, ne peut être prise contre des biens d’un Etat en relation avec une procédure intentée devant un tribunal d’un autre Etat excepté si et dans la mesure où :
a. L’Etat a expressément consenti à l’application de telles mesures dans les termes indiqués :
i. Par un accord international ;
ii. Par une convention d’arbitrage ou un contrat écrit ; ou
iii. Par une déclaration devant le tribunal ou une communication écrite faite après la survenance du différend entre les parties ; ou
b. L’Etat a réservé ou affecté des biens à la satisfaction de la demande qui fait l’objet de cette procédure ; ou
c. Il a été établi que les biens spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l’Etat autrement qu’à des fins de service public non commerciales et sont situés sur le territoire de l’Etat du For, à condition que les mesures de contrainte postérieures au jugement ne portent que sur les biens qui ont un lien avec l’entité contre laquelle la procédure a été intentée».

Il résulte de cet article que l’immunité d’exécution n’existe au profit des Etats étrangers qu’autant que l’acte qui donne lieu au litige participe, par nature ou sa finalité, à l’exercice de souveraineté de ces Etats et n’est donc pas un acte de gestion. Aussi, l’Etat a-t-il la possibilité de renonciation expresse par un accord, une convention d’arbitrage ou lors de communication des écritures devant le tribunal. Aussi, les biens à saisir doivent-ils avoir un lien avec l’entité contre laquelle la procédure est intentée.

Telle a même été la position de la Cour de Cassation de Paris, dans son arrêt du 3 novembre 2021 prononcé en application de cet article 19 de la Convention des Nations unies, en guise de coutume internationale, dans l’affaire ayant opposé une société d’émanation irakienne à la Société Citibank, d’émanation américaine.
Cependant, eu égard à la saisie pratiquée, l’on se rend à l’évidence que les biens, objet de saisie, participe à l’exercice de la souveraineté de l’Etat dans sa représentation diplomatique et aussi, les biens saisis n’ont aucun rapport avec l’entité contre laquelle la procédure a été intentée.

Alors que le litige a opposé la société américaine à la Société congolaise SNEL SA, qui est une individualité distincte de l’Etat, la saisie quant à elle porte sur les biens de l’Ambassade.

Tertio, l’on peut se poser la question de savoir si l’on peut saisir les biens de l’Etat congolais, sous prétexte que l’Etat congolais est l’actionnaire unique.
La réponse à cette question est négative. Pour deux raisons légitimes : d’abord, la Société SNEL SA est dotée de sa personnalité juridique, c’est-à-dire a une autonomie propre, a un patrimoine autonome. Aussi, quoique l’Etat congolais soit l’actionnaire unique, ayant la totalité des actions, le patrimoine de la SNEL ne peut être confondu à celui de l’Etat congolais vice versa.

La personnalité juridique d’une société commerciale est distincte de celle de ses associés. Il s’agit d’un principe universel reconnu en droit comparé, dans les pays de common law, Etats-Unis notamment, de droit civil français et au Canada qui connaît les deux systèmes juridiques. La société dispose ainsi d’un patrimoine (ou « actif social ») qui lui est propre et est composé de tous les droits et obligations de la société, notamment ceux qui résultent de l’exercice de la vie sociale. Le patrimoine social ne doit pas être confondu avec le « capital social » qui ne représente que le montant des apports faits par les associés lors de la constitution de la société ou en cours de vie sociale à l’occasion des augmentations du capital ; il ne se confond pas non plus avec le patrimoine de chaque associé. Cette distinction entraîne la séparation des patrimoines de la société SNEL SA et de celle de son actionnaire unique, l’Etat congolais.

Eu égard à ces évidences juridiques, nous pouvons affirmer que cette saisie opérée sur les biens de l’ambassade de la RD Congo aux USA est illégale et n’est pas conforme aux règles du droit international. Le juge compétent pourra ainsi en ordonner la mainlevée sans coup férir.

Je vous remercie !

Pour toutes fins utiles, nous demandons à nos lecteurs de pouvoir commander cet ouvrage, en se référant au Cabinet Landry PONGO WONYA, sis 130, immeuble Elembo, 2ème étages – Blvd 30 juin, Commune de Gombe à Kinshasa/ RD Congo, en face des Chancelleries des ordres Nationaux. Tél : +243 81 17 79 409 ; e-mail : landrypongowonya@gmail.com, site : www.landrypongoavocats.com. Autres points de vente : aux deux entrées du palais de justice de la Gombe (TGI Cour d’Appel, siège du Barreau de Kinshasa/Gombe, derrière le Palais de justice au rez- de- chaussée du bâtiment abritant le Conseil d’Etat), Tribunal de Commerce de Kinshasa/Matete – 1er Rue Funa, Commune de Limete, Tribunal de Commerce de Kinshasa/Gombe en face de l’école ITI Gombe sur l’avenue de la Science, Commune de la Gombe.
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