28 mars 2024

RDC : Les frais de justice constituent un blocage pour lutter efficacement contre les violences faites aux femmes.

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Rédaction:+243817406088

La RDC a adhéré à plusieurs instruments juridiques qui luttent contre les violences faites à la femme. Malgré la présence de tous ces instruments juridiques on enregistre toujours des cas de violences sexuelles et basées sur le genre en RDC.

Le bureau conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme a documenté pour la période de janvier et mars 2021, 18 263 cas de violence basée sur le genre (VSBG) dont 38 % sont des personnes de moins de 18 ans. Selon son rapport, ces chiffres représentent une augmentation de + 55 % contrairement à 11 800 en 2020.Les VSBG prennent de plus en plus de l’ampleur au sein de la société congolaise.

Pour certains observateurs, cela fait suite au difficile accès à la justice des survivantes qui dans la majeure partie manque des moyens. Selon toujours nos sources, les rares qui y accèdent, trouvent un accompagnement limité des organisations de la société civile qui interviennent dans le domaine.Pour contribuer dans la lutte contre l’impunité des cas des violences sexuelles en RDC, des organisations de la société civile de la RDC qui sont dans la défense, la promotion et la protection des droits des femmes et filles en RDC, plaident pour l’exemption des frais de justice pour les survivantes des violences sexuelles.

Selon ces organisations, le manque de moyens pour accéder à la justice des survivantes, constitue un des facteurs qui favorisent l’impunité en ce qui concerne les violences sexuelles en RDC.

Pamela KAPS (nom d’emprunt) survivante des violences sexuelles et aujourd’hui activiste des Droits de l’Homme dans un mouvement féministe de la place fait savoir que, le conditionnement des frais de justice constitue un frein pour l’accès à la justice des survivantes. Elle soutient cependant que les survivantes des violences sexuelles devaient être prises totalement en charge pour accéder gratuitement à la justice.

Malheureusement, sur le terrain la réalité est tout autre selon elle. «Aujourd’hui pour ouvrir un dossier de viol au niveau du tribunal, il faut payer des frais», affirme-t-elle. «Normalement, ces frais ne doivent pas être payés, c’est un service qui doit être gratuit et surtout si on met en compte qu’on est en face d’une survivante des violences sexuelles», propose-t-elle. «Plus le temps passe, plus la survivante se renferme sur elle-même, plus elle n’a plus envie d’aller en justice et cela encourage l’impunité des auteurs des cas de violences sexuelles», regrette-t-elle.

De son côté, Mimy Mopunga, membre du Cadre permanent de concertation de la femme congolaise (CAFCO), estime qu’il y a encore des failles dans la prise en charge des survivantes des violences sexuelles et violences basées sur le genre.

«Depuis que la loi sur les violences sexuelles a été voté en 2006 jusqu’à ces jours, nous avons eu à dénicher plusieurs failles entre autres : le frais à payer en justice par les survivantes, c’est ça qui parfois empêche les survivantes des viols de participer dans la lutte contre l’impunité en saisissant la justice pour dénoncer les cas», affirme-t-elle. «Souvent les survivantes des violences sexuelles n’ont pas assez de moyen pour tout supporté. Savez-vous que la plupart des violences sexuelles commises sont souvent dans l’arrière-pays ? Dans des territoires éloignés et les survivantes doivent parfois se déplacer en faisant des kilomètres pour aller ester en justice et là, on lui demande des différents frais à payer !», révèle Mimy Mopunga. «Nous, on a pensé que c’est mieux que les survivantes des violences sexuelles ne puissent pas payer des frais de justice. Là, ça sera vraiment un bon départ», soutient-elle. «Il n’y a pas que ça en justice mais il y a d’autres facteurs aussi qui bloquent les survivante comme le problème d’application des certains textes par les juges, mais commençons d’abord par les frais de justice, d’autres problèmes que nous avons eu à dénicher comme l’application des lois par les magistrats, nous allons les attaquer un à un après», explique-t-elle.

Pour Maître Arthur Omar Kayumba, Avocat au Barreau de Matete à Kinshasa, la proposition de loi pour exempter les victimes des violences sexuelles des frais de justice est un signal fort. «Ça tombe à point nommé, au moment où le Congo-Démocratique tient à devenir champion du genre en Afrique. Comme vous le savez, les révisions intervenues au code pénal et au code de procédure pénale en 2006 reposent essentiellement sur le besoin de l’efficacité et de la célérité dans la répression des violences sexuelles dans toutes leurs formes. C’est dans ce cadre que notamment, la possibilité d’amende transactionnelle a été écartée par le législateur de 2006 en matière des violences sexuelles», explique Me Arthur.

«Aujourd’hui, 16 ans jour pour jour, depuis les réformes de 2006 au code pénal et au code de procédure pénal, le bilan de la mise en œuvre de la loi sur les violences sexuelles n’est pas satisfaisant. Les violences sexuelles dans toutes leurs formes (viol, mutilation génitales, harcèlement sexuel, etc) se commettent au jour le jour et les victimes se réduisent à volonté au silence, mourant dans l’âme», affirme Me Arthur. «Le niveau de saisine des juridictions et les parquets y rattachés, demeure en deçà de la moyenne et pose le problème de l’accessibilité de la justice. La vulnérabilité, l’indigence, l’abandon et l’opprobre qui pèsent sur une survivante des violences sexuelles, la réduisent en état de précarité. De la saisine jusqu’à l’exécution des décisions de justice, la victime se retrouve dépouillée financièrement. C’est comme qui dirait pour recouvrer sa dignité et son humanité perdue, la victime se doit de payer le cash, alors qu’en cette situation précise, elle devrait bénéficier de l’unisson public, en particulier de l’Etat par ses bras judiciaires, pour bénéficier d’une justice de réhabilitation humaine et sociale. Tel est le contexte qui soutient nos prétentions de croire que les frais de justice constituent en soient, le goulot d’étranglement qui éloigne les victimes des violences sexuelles de la justice. Nous affirmons cette considération en double titre de praticien du Droit, et d’acteur de terrain de la société civile qui milite pour l’éradication des violences sexuelles», révèle-t-il.

De son côté, Juvénal Munobo Député national pense que, la solution à cette problématique passe nécessairement par le renforcement de la répression, tout en saluant la démarche des organisations de la société civile de penser à une loi d’exemption des frais de justice pour les survivantes et témoins des violences sexuelles en RDC.Selon lui, en renforçant la loi contre les violences sexuelles en RDC c’est un moyen efficace pour faire face à ce fléau qui constitue un frein pour le développement du pays. Il a cependant promis son implication totale à cette démarche entreprise par ces organisations nationales qui défendent la cause de la gent féminine.

«En renforçant la législation, c’est une manière de lutter aussi contre les violences donc, ça c’est une piste de solution et moi, je m’inscris dans cette logique en tant que député. Je promets toute mon implication pour que nous ayons un code de procédure pénale révisée s’agissant des procès des violences sexuelles», s’est-il engagé.

L’élu de Walikale au Nord-Kivu indique qu’il est important non seulement de sensibiliser mieux de conscientiser la population sur le strict respect de la femme.

«Les violences sexuelles se passent un peu partout dans notre pays. Les groupes armés s’en rendent coupables, les personnes en armes tout comme de personnes qui ne détiennent pas des armes. Il y a beaucoup de cas qui se passent dans des villes, des quartiers et beaucoup de cas qui ne sont pas portés à la connaissance des cours et tribunaux de fois, faute des moyens pour saisir la justice. Donc une sensibilisation communautaire accrue pourrait aussi être une contribution en plus de la loi», martèle Juvénal Munobo.

L’élu du peuple invite toutefois, les organes chargés de suivi de l’applicabilité des lois de bien faire leur travail, dès que cette proposition sera adoptée et votée.

«C’est le rôle du parlement qui exerce un contrôle politique mais également la société civile qui a un contrôle citoyen pour voir si cette loi sur les violences sexuelles et d’autres lois qui ont précédé, sont finalement respectées», rappelle-t-il.

Pamela KAPS soutient qu’il ne suffit pas seulement de proposer cette loi à l’assemblée nationale mais aussi et surtout; que le gouvernement mette en place un plan de résilience , de prévention, d’accompagnement et de prise en charge en vue d’aider les survivantes de sortir dans le traumatisme.

«l’Etat doit mettre en place un système de prise en charge holistique , que ça soit sur le plan médical, judiciaire, socio-économique ou que ça soit une prise en charge psychologique puisque ça inclut le mental , c’est assez important, aujourd’hui on ne peut pas s’épanouir , on ne peut construire un pays avec les gens traumatisés», recommande Pamela KAPS.

Nahomie Kapinga JDH

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